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06/03/2018

Rencontre avec Anne-Sophie, diplômée de KEDGE expatriée à Pékin

Rencontre avec Anne-Sophie Lehec, expatriée en Asie depuis maintenant 7 ans, en passant de Shanghai à Hong Kong, puis à Pékin.

Freelance sur des projets audiovisuels, Anne-Sophie jongle entre la programmation, la vente de films asiatiques et le conseil en développement de projets. Elle nous partage son expérience d’entrepreneur française dans la capitale chinoise, son quotidien et ses projets futurs.

Bonjour Anne-Sophie. Pour commencer, parlez-nous de votre parcours scolaire : quelle formation avez-vous suivie avant et à KEDGE ?

Avant Kedge, une prépa littéraire. Pendant Kedge, le parcours « Industries Créatives ». J’ai fait une césure qui a duré un peu plus d’un an et demi. Pendant mon premier stage, on m’a proposé très rapidement un CDD dans la société en France dans laquelle j’étais, qui était une société de vente de films indépendants à l’international, Celluoid Dreams. Cette société représente par exemple Un Prophète de Jacques Audiard ou tous les films de Kitano. Puis je suis allée à Shanghai en université partenaire.

Pouvez-vous nous parler de votre décision de vous expatrier à Pékin en Chine ?

Ce n’est pas vraiment une décision, c’est plus le coup de foudre avec la Chine qui résulte de mon échange fait à Shanghai. Coup de foudre pour la Chine, l’Asie en général et l’envie de rester ici pour vivre et travailler.

Pourquoi avoir monté votre entreprise dans un autre pays ?

Suite à Kedge, on m’a proposé un CDI en France que j’ai accepté, mais je suis revenu très très vite en Asie. Je suis partie à Hong Kong en VIA (Volontariat International en Administration), je travaillais au Consulat de France en tant qu’attachée audiovisuelle. Je m’occupais des relations entre la France et Hong Kong en matière de télévision, cinéma, radio et journalisme pour tout ce qui avait trait entre les deux pays. Cela pouvait être des tournages, mais aussi la sortie de films français à Hong Kong ou encore l’accueil de journalistes français qui viennent faire un reportage sur place.

 

Après ces deux ans, j’ai eu envie de rester en Asie et la façon la plus simple de reprendre des études pour apprendre le chinois tout en continuant une activité professionnelle était de créer une micro-entreprise. C’est pour cela que j’ai créé ma propre structure. Mon travail consiste à la vente internationale de films asiatiques ; il s’agit de trouver des distributeurs salles, festivals, TV, vidéo (DVD, Bluray), ou vidéo à la demande pour des films indépendants et engagés d’Asie. Très rapidement, après être arrivée en Chine, on m’a proposé un contrat quasiment à temps plein. J’ai d’autres clients ailleurs en Asie ou en France, mais ce client principal me prend 99% de mon temps, même si cela va très bientôt changer, affaire à suivre…

Comment votre entreprise s’inscrit dans une démarche RSE ?

Concrètement, mon client majoritaire est une toute petite PME. Nous sommes 5, donc ces questions-là ne se posent pas. Il n’y a pas une réunion qui dit que l’on va parler de la responsabilité sociale ou environnementale de l’entreprise.

Par contre d’un point de vue social, nous travaillons uniquement sur des films indépendants, qui défendent des points de vue forts. Certains de nos réalisateurs sont interdits de tournage voir ne peuvent pas revenir dans leur pays. Par exemple je travaille avec une réalisatrice afghane c’est très compliqué pour elle. C’est la première femme à avoir tourné un film depuis les talibans, c’est extrêmement difficile pour elle et compliqué de travailler avec elle pour pleins de raisons. Si cette société n’était pas là pour faire valoir ces films, pour les emmener vers un public, il n’y a pas d’autre société qui fait ça aujourd’hui. C’est tout petit, mais cette entreprise s’engage pour défendre les voix qui sont parfois les voix des oubliés et il ne faut pas qu’ils soient oubliés.

Quelles différences voyez-vous en termes de culture dans le monde du travail entre la France et le Chine ?

Énormes, à tout niveau et à tout point de vue. Au niveau législatif, en Chine on a 5 jours de congés par an, là où en France on a 5 semaines. En termes de temps de travail en Chine on peut travailler 7 jours sur 7. Il y a des chinois qui comptent d’ailleurs leurs vacances en disant « Je suis trop content j’ai 52 jours par an », en fait ils comptent qu’ils ont 52 dimanches, ce qui n’est pas vraiment notre façon de faire en France. En Chine faire des gros horaires est tout à fait normal, même si le taux de productivité est parfois néant. C’est-à-dire qu’il est tout à fait raisonnable et normal de faire sa sieste devant ses collègues au bureau en Chine, chose qu’on ne peut pas du tout concevoir ou envisager en France. De plus, le salaire minimum n’a rien à voir, les cotisations pour la retraite et la sécurité sociale ne sont pas du tout comparables non plus. En Chine, il y a un certain nombre d’emploi qu’on n’imagine même pas avoir en France parce que ça n’aurait absolument aucune logique. Par exemple, avoir une personne pour remplir ses courses à la caisse du supermarché.

Ensuite dans la façon de travailler. Lorsque nous voulons avoir une information, on doit la demander plusieurs fois, il faut savoir s’adresser au patron et non à l’employé. Si l’on s’adresse à l’employé, lui-même devra faire référence à sa hiérarchie pour savoir s’il a le droit de donner l’information, quand, etc. et cela prend un temps infini. La langue est parfois un souci assez important. C’est très procédurier, quand on demande des choses en Chine il faut avoir un tampon, une signature, un double tampon, là où en France l’ordre est passé et c’est cela qu’il faut faire. En Chine il va falloir quinze validations par quinze personnes différentes avec quinze tampons, cela peut fatiguer à certains moments mais une fois que l’on sait que cela marche comme ça il faut juste anticiper les choses.


Quelles sont vos ambitions pour le futur, vous voyez-vous encore en Chine dans 5 ans ?

Dans 5 ans je me vois toujours en Asie, en Chine, je ne sais pas. Cela va dépendre aussi de ma vie personnelle. Cela va être un des premiers éléments à prendre en considération, mais je ne me vois pas nécessairement rentrer en France d’ici 5 ans.

Je me vois encore dans le cinéma bien sûr, et toujours dans les liens entre la France et l’Asie. Jusqu’à présent j’ai fait majoritairement de la vente internationale, il s’agissait d’amener des films asiatiques vers un public étranger, européen, américain, sud-américain, africain. Là j’aimerais passer à la production, et plutôt à la création de contenu ou aider à la création de contenu en trouvant du financement et en donnant des conseils artistiques pour toucher un public plus large en Europe avec ces films chinois, asiatiques par exemple.


Anne-Sophie et les étudiants du pro-act KAS, en pleine interview

En quoi KEDGE vous a aidé à vous développer et réaliser vos projets ?

KEDGE donne une certaine base d’organisation et de compréhension du monde de l’entreprise. C’est essentiel, surtout lorsque l’on créé une structure où l’on doit tout gérer, ou que l’on travaille avec des petites structures qui sont des micros entreprises ou des toutes petites PME où l’employé fait tout ; il est à la fois le secrétaire, le responsable RH, la personne qui fait la comptabilité, c’est ce que je fais aujourd’hui. On a vraiment toutes les casquettes et il faut savoir jongler à tout moment, et l’école apprend bien cela, notamment via les associations où nous travaillons beaucoup en groupe et on peut s’immerger dans la vie d’une petite entreprise, car une association est une petite entreprise. Je faisais partie d’Extérieur Nuit à KEDGE, qui n’avait pas du tout la taille que cela a aujourd’hui, nous étions 8 donc on gérait d’autant plus de choses que l’on était moins. Pour cela, l’école est un gros atout.

Ensuite l’école m’a permis d’aller à l’étranger. Sans KEDGE, je n’aurai pas forcément pris la décision ni de partir aux Etats-Unis ni de partir en Asie. Aujourd’hui je maîtrise l’anglais sans aucun souci et je peux vivre de façon complètement sereine en Asie parce que l’école m’a poussé à faire ça. Je ne suis pas sûre que de moi-même je serais allée si loin. Je serai partie en Europe, etc. mais peut-être dans des pays plus faciles d’approche.

D’un point de vue plus personnel, avant de partir à l’étranger, quelles étaient vos appréhensions ?

Aucune. Aucune appréhension, je ne m’attendais à rien en fait. Je connaissais déjà la Chine et l’Asie, j’avais déjà voyagé à travers le continent, donc en l’occurrence je n’avais pas d’appréhension. Si ce n’est peut-être de me faire comprendre parce que quand je suis revenue à Pékin je ne parlais pas chinois. J’étais inscrite en fac de langue, j’avais 4 heures de chinois par jour le matin, je travaillais l’après-midi, mais on progresse très vite avec 4h par jour. Au bout de 6 mois on sait quand même se débrouiller, parler au téléphone, réserver un restaurant, commander au restaurant ou simplement se faire livrer de l’eau, parce qu’on peut pas boire l’eau du robinet ici il faut se la faire livrer sinon on n’a pas d’eau potable chez soi. Donc ça c’était la plus grosse appréhension, réussir à se faire comprendre et à se gérer soi-même sans avoir besoin de recourir à des amis ou à des contacts qu’on peut avoir pour faire telle ou telle chose.


Les étudiants du pro-act KAS sur la muraille de Chine

Quel conseil donneriez-vous à un étudiant comme nous qui envisage de partir à l’étranger, en Chine ?

Allez-y (rires) ! Non vraiment allez-y, c’est un challenge. Ce ne sera pas tous les jours facile et en même temps vous allez en sortir grandi, à la fois au niveau professionnel et personnel. Cela se revend très bien derrière, récupérer un poste en France après une expérience de 7 ans en Asie particulièrement en Chine ce n’est pas du tout un souci, ça se trouve très facilement.

Et d’un point de vue personnel vous vous ouvrez à une autre culture, à autrui, ça vous rend plus tolérant, vous changez votre façon de voir les gens, le monde, vous considérez les choses avec une plus grande tolérance, donc c’est tout bénéfique.

Qu’est-ce que la Chine vous a apporté que vous n’aurez jamais pu avoir en France ?

Une diversité de gens. En France je serais restée avec mes amis français, que je retrouve avec plaisir dès que je rentre en France, mais ici mes amis c’est à la fois des chinois mais aussi des expatriés de toute nationalité, il y a à la fois des philippins, des canadiens, des américains, des italiens, des allemands, des lituaniens. Une diversité de profils et une richesse énorme et on gagne vraiment à partager tout ça. La deuxième est une langue, même si je ne le parle pas parfaitement, je parle chinois, et aujourd’hui en restant en France ce n’était pas possible. Par ailleurs, j’ai eu des responsabilités dans le monde du travail ici que je n’aurai jamais eu en France à cet âge-là. Ici, j’ai été directement propulsée directrice et en charge des choses, là où en France on m’aurait dit tu es junior, puis tu prends le poste d’assistante, et ensuite peut-être que dans 10 ans tu deviendras directrice. Donc ça permet d’accélérer la carrière de façon très forte.

Puis le niveau de vie n’a rien à voir. Avec ce que je gagne, je vis très très bien, là où en France je vivrai dans la moyenne basse.

Enfin, la sécurité au quotidien. Je ne tiens jamais mon sac à main en étant crispée dans le métro ou je garde mon téléphone dans la poche parce qu’on ne sait jamais. Non, s’il est sur la table il est sur la table et ce n’est pas un souci. Et ça ça change tout, de pouvoir rentrer toute seule chez soi à 3 heures et demi du matin sans s’inquiéter, en marchant vite ou en faisant semblant d’appeler quelqu’un au cas où, ça n’arrive pas ici.


 

Interview réalisée à Pékin par l’équipe Kedge Asian Success, composée de Romane Clerc, Cyril Colliot et Maud Ribaucourt.

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